Analyse d’oeuvre : le Serment des Horaces

analyse d'oeuvre, le serment des horaces, composition, couleur - Julie Mercey - Graphiste - Lozère Cévennes

Le « Serment des Horaces » est une œuvre commandée par Louis XVI. C’est une peinture à l’huile de 3 x 4,2 m, réalisée en 1785 par le français Jacques-Louis David, chef de file du néoclassicisme, elle est conservée au musée du Louvre. Le tableau met en scène les frères Horaces qui prêtent serment à leur père de vaincre ou de mourir pour la défense de Rome contre les Curiaces. David a imaginé ce serment d’après les récits du combat, présents dans plusieurs récits légendaires sur la Rome antique, dans l’idée de représenter la notion de patriotisme.

Le point de fuite

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En tirant les lignes de fuites, on fait apparaître le point de fuite au niveau des mains du père, là où toute l’attention se porte car les fils et le père regardent cet endroit. La composition rassemble en ce point des éléments de formes et de mouvements triangulaires tous également dirigés vers le point fuite.
Grâce à la position du point de fuite on peut enfin tracer la ligne d’horizon qui souligne l’alignement des visages des trois fils et du père.

La règle des tiers

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En tirant les lignes séparant verticalement et horizontalement le tableau en trois, la règle des tiers, on découvre un équilibre, où le personnage central est dans le cadre central, les fils dans celui de gauche, et les femmes dans celui de droite.
A l’horizontale on constatera que le tiers central regroupe les visages et les hauts du corps des hommes. Les corps des femmes, passives dans leur attitude, se retrouvent dans le tiers inférieur.
Les trois arches de l’arrière-plan, chacune dans un tiers vertical soulignent le découpage, et apportent un rythme à la lecture du tableau : au premier cadre les frères prêtent serment et réclament leurs armes, au deuxième cadre le père leur tend les armes avec une expression et une posture désespérées, et au troisième et dernier cadre les femmes sont effondrées sans doute à l’idée du combat et de son issue. On s’aperçoit alors que l’ordre de ces tiers correspond à l’histoire que raconte le tableau, et qu’il est donc en quelque sorte chronologique, à l’instar des bandes dessinées actuelles.

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Au tracé des diagonales croisées de chacun des tiers verticaux on découvre tracé les triangles de posture des hommes, on voit alors que les bras du père sont dans le prolongement de sa jambe, et enfin on devine que les deux femmes les plus sur la droite ont finalement aussi une structure quelque peu triangulaire, penchées l’une contre l’autre, malgré leur lassitude.

Le nombre d’or

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Si l’on découpe une nouvelle fois le tableau en tiers mais cette fois en utilisant le nombre d’or on s’aperçoit que l’on est plus proche des tracés de la composition. Le premier tiers vertical se termine exactement entre le pied du fils et celui du père, le tiers central, resserré maintenant, apporte des diagonales plus proches de la posture du père dont les jambes sont bien moins écartées que celles des fils. Le deuxième tiers vertical se termine exactement au dos du père que l’on voit comme couché sous la diagonale centrale montante.

Découpe en quarts

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La découpe en quatre verticalement ne nous apprend rien de plus mais on peut souligner que pour la découpe horizontale en quatre, le trait central passe au niveau des épaules, le trait bas au niveau des genoux et le trait haut au niveau du haut des colonnes.

Sens de lecture

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L’ordre chronologique des tiers est aussi le sens de lecture commun de gauche à droite : trois hommes se tiennent côte à côte, le frère au centre des trois tenant le premier par la taille, leurs jambes forment un triangle qui maintient le regard sur le haut de leur corps, puis le regard du lecteur suit leurs regards, soulignés par leurs bras, et arrive sur les mains du père tenant les épées. Les bras du père, tendus pour donner ces dernières, amènent le regard du lecteur à son visage, puis à son corps penché en arrière comme si une force le poussait en arrière. C’est là que le regard du lecteur est attiré, est tiré, comme le dos du père penché, vers les femmes, ramassées sur elles-mêmes, tristes, elles sont le résultat de la scène dans son interprétation émotionnelle. Pour revenir à la composition, elles sont un soutient, un appui et une fin posée du mouvement qui crée l’équilibre du tableau et son harmonie, mais leur position permet grâce au triangle formé par leur corps de revenir aux pieds du père et de remonter vers le centre de la composition.
Un autre tracé du sens de lecture est possible pour la partie droite, à partir de la verticale centrale, le père, en traçant des lignes en arcs à partir du point bas central, comme pour tracer un éventail. La première droite soutient le dos du père et est une parallèle à la droite « jambe-tête » du personnage (tracé en pointillés). La seconde droite se pose sur la femme avec les enfants. La suivante, très marquée, s’étire le long du corps de la deuxième femme. Et la dernière passe dans la longueur des cuisses de la femme en blanc. Avec des espacements relativement équivalents cette descente en éventail est rythmée sur chaque personnage.
Les postures des hommes, toutes en tensions, en lignes droites, contrastes avec les postures souples, arrondies, presque molles des femmes. Les fils sont particulièrement solides, avec la même posture pour les trois, les jambes très écartées. Ils sont en plus soutenus par la lance, comme adossés à un mur, que le premier fils tient dans sa main gauche. A l’opposée, le bras de la femme en blanc, ferme ce tableau avec un bras las et arrondi.

Les couleurs

Enfin, un mot rapide sur les deux principaux contrastes de couleurs. Les épées blanches sur fond noir créent un clair-obscur qui est le plus contrasté des contrastes de couleur, et, en ce sens, logiquement positionné sur le point d’attention, le point de fuite.
Le second contraste est le contraste de la couleur en soi. Le rouge sur le premier fils est vif, comme pour souligner le point de départ du tableau. Ce rouge est aussi vif que celui de la cape du père car c’est lui, personnage central, face à la lumière, qui capte le plus de clarté et pour qui les couleurs sont les plus soutenues. L’effet souligné par deux zones d’ombres de part et d’autre de lui et un arrière-plan plongé dans le noir.
La composition est soutenue par des choix de couleurs bien définis qui apportent un équilibre supplémentaire à l’œuvre. Le blanc de la robe de la dernière femme fait équilibre au blanc de la cape du premier fils, le rouge des fauteuils au rouge de sa tunique, le bleu des vêtements des femmes au bleu de sa tunique.
On peut finalement dire que la composition du tableau le « Serment des Horaces » est à la fois une prouesse géométrique et une oeuvre très symbolique. Elle est très organisée pour gagner en harmonie et en équilibre mais aussi en sens car rien n’est laissé au hasard. Une analyse sur la symbolique des couleurs ne ferait que le confirmer en soulignant la présence du fort le message patriotique et des futures couleurs de la République.