C’est en s’arrêtant devant une publicité que l’on comprend le message et touche au cœur de son histoire. Voyons ce que nous racontent les trois suivantes de Guerlain, Cacharel et Honoré des prés.
Insolence de Guerlain
C’est une photographie pour une double page de magazine représentant une femme : assise sur un sol brun et tournée vers la droite de l’image, elle nous regarde de face. Le cadrage est moyen sur un arrière-plan noir. Le personnage occupe la page de gauche et cohabite côte à côte sur le même plan avec le flacon et les mots.
Chacune des deux pages de la composition est basée sur la règle des tiers. Le personnage occupe le centre de la partie gauche. Le flacon et les informations écrites occupent le centre de la partie droite. Il y a deux lignes directrices principales, l’une partant du visage vers la pointe des pieds, l’autre de sa main droite vers le centre du mot « Guerlain ». La forme du parfum, faite de trois demi-boules superposées et penchées, évoque celle une fleur aux pétales ouverts, ce qui indiquerait une senteur florale.
La présence humaine attire le regard avant tout et l’expression rebelle du personnage happe en premier. Puis on regarde la femme en suivant son bras, ensuite ses cuisses envoient en haut à droite, sur « Guerlain ». L’empilement symétrique vertical du texte et du flacon permet une lecture rapide vers le bas. Enfin, les pieds et les jambes renvoient au visage, le point de départ. Selon les sensibilités de chacun, le sens de lecture peut aussi passer du visage aux jambes pour remonter des pieds à « Guerlain » avant de revenir au visage.
L’ambiance sombre ferme l’espace sur le personnage qui est parfaitement éclairé par plusieurs sources de lumière. Le visage et les belles jambes sont mis en valeur par le cadrage et par sa courte tenue noire se fondant dans l’arrière-plan. Cette lumière crée un contraste clair-obscur entre le noir de l’arrière-plan. Le brun doré de la peau, de la chevelure et du sol dégagent une sensation rassurante via l’aspect naturel et rustique. Le noir est élégant et impose le respect. Cette palette de couleurs évoque la confiance, le pragmatisme, et l’intemporalité. Le texte, en blanc sur fond noir, permet une parfaite lisibilité. Le flacon rosé ajoute quant à lui une légère touche de gaité, de douceur et de jeunesse.
En ce qui concerne le texte particulièrement, la typographie de Guerlain évoque la stabilité d’une marque sérieuse via une Didone. Pour Insolence c’est une Réale, plus fine elle apporte une légère touche d’humanité mais reste très rigide pour un parfum féminin et un flacon aux formes rondes.
Spontanéité, dynamisme et confiance : la position en tension du personnage, sa chevelure légèrement décoiffée et son regard donnent l’impression que l’on vient de la surprendre et qu’elle va se lever. Pourtant son regard défi le public. Sans peur elle communique calme et confiance en elle, sa tenue légère révèlent sa beauté et sa sensualité. Cette femme incarne la jeune femme belle et sportive. De plus, le choix de cette actrice, au rôle fougueux de boxeuse dans le film de Clint Eastwood, vient parfaire l’image d’une jeune femme combative faisant fi des convenances.
Le nom du parfum souligne son caractère audacieux. Le flacon en lui-même contrebalance l’ambiance chaude et intimiste pour apporter de la lumière et de la fraicheur. Sa couleur et sa forme représentent une fleur et une senteur florale.
Cette publicité vise les jeunes femmes et le message est de leur offrir la possibilité d’agir sans contrainte, de révéler leur force et de se libérer des conventions.
Scarlett de Cacharel
C’est un portrait de face, centré, en plan américain. Le premier plan est occupé par des informations écrites. Au second plan le sujet, habillé d’une robe blanche, est debout et nous regarde. Le cadrage vertical et la position centrale nous imposent le personnage et le rende très proche du public. L’arrière-plan est un dégradé de roses.
L’ensemble de la composition est doux, apaisant et romantique. Il évoque la tendresse d’une jolie jeune fille. La forte attraction vers le flacon et le visage rendent l’image intrigante. Les yeux ont une expression plutôt ferme qui traduit l’importance de protéger ce flacon. Cet ensemble illustre le slogan : « Le nouveau parfum Scarlett, mon secret est à l’intérieur ».
La composition est verticale, symétrique et disposée en empilement, l’axe central est surplombé par le visage. Le point central, où se touche les paumes de ses mains, est un point de force, toutes les lignes directrices de la composition s’y rendent : ses avants bras, le nœud de sa robe, ses mains et la forme de son visage. En gros caractères le nom du parfum occupe la majeure partie du tiers inférieur sans dépasser l’alignement vertical des épaules afin de poser et de soutenir la composition sans l’alourdir.
Le sens de lecture est cet axe central vertical. On entre dans la publicité en regardant le visage et le flacon. Les diagonales directrices représentées par les bras et le nœud de la robe nous invitent à baisser le regard pour lire le texte. La lumière, venant de la droite, crée une ombre sur le bras gauche et stoppe le regard pour l’empêcher de poursuivre sa course naturelle vers la droite.
En ce qui concerne les couleurs, le rose est dominant et produit une ambiance féminine, douce et sensible, qui s’associe très bien à une image de jeune fille et suggère une senteur florale. Le blanc ajoute à la composition un sentiment de pureté et d’innocence. Enfin, les yeux bleus ravivent l’ensemble de la palette. La chevelure plus sombre, aux tons bruns orangés, concentre le regard sur le visage.
La typographie de « Scarlett » est une scripte moderne, d’un rose vif énergique et branché. Ses rondeurs pleines et régulières, rappellent les ronds de la typographie de Cacharel, et lui donne un aspect sympathique, voluptueux, qui renforce la féminité de la composition. Ce choix est à la fois représentatif du sujet et décoratif. On notera que le « L », plus grand que les autres lettres, repousse le regard vers le haut tout comme l’ascendante des « T » de tailles différentes. La typographie, fine et blanche, du slogan est une linéale. Elle se laisse oublier dans la composition, et le mot « secret » se cache : il est le moins lisible sur la partie la plus blanche de la robe. « Cacharel » est aussi atténué par la robe blanche pour ne pas donner trop d’importance à la marque.
Ce parfum symbolise le secret et le personnage craint qu’on découvre le contenu du flacon, elle le protège de ses mains dont la position en forme de diamant renforce l’aspect précieux. Le nœud de la robe sert de lien symbolique pour celer le secret. Le ruban rose qui entoure le flacon évoque la ceinture d’une robe de petite fille et si on s’y attarde on voit que les fleurs gravées au-dessus sont un indice supplémentaire pour une senteur florale. Son nom, « Scarlett », prénom romanesque faisant référence à Scarlett O’hara, une jeune héroïne qui devient une femme déterminée, représente la femme indépendante du monde moderne occidental.
Cette publicité est une représentation de la jeunesse et de la naissance de la féminité. Elle symbolise le secret et incarne la jeune fille actuelle, charmante et parfois pudique qui rêve d’un bel avenir. Toutes les jeunes filles ont des secrets et sont curieuses alors les adolescentes et les très jeunes femmes peuvent s’identifier assez facilement à cette publicité. Cependant, il semblerait que notre personnage soit sur le point de dire quelque chose, ne serait-elle pas prête à nous révéler son secret ? Son message est « Achetez ce parfum et je vous connaitrez mon secret ».
Honoré des prés
La photographie est une prise de vue extérieure, dans un pré de graminées, au format à l’italienne. Le personnage est de face, au centre, cadré en plan américain mais ne regarde pas le spectateur, elle regarde au loin derrière, légèrement sur notre droite. Des tiges floues occupent le premier plan, au second la femme dans une tenue campagnarde s’impose et semble plus proche que le texte très discret.
La composition est très simple, elle ne contient que du texte en plus de la photo et ne montre pas de flacon. La grille répond verticalement au nombre d’or, et horizontalement à la règle des tiers. Le texte est centré dans la partie supérieure gauche, le personnage est quant à lui debout à mi-hauteur dans la partie centrale. La position du texte s’explique par le sens de lecture et la présence de couleurs claires en arrière-plan à cet endroit pour apporter et de la lisibilité.
La diagonale du sens de lecture est la principale ligne directrice, elle permet de passer tout naturellement du texte au visage. Son expression est sobre mais laisse entrevoir un mélange d’incrédulité et d’émerveillement. Elle regarde légèrement en hauteur au loin toute cette végétation qui l’entoure. Les tiges des graminées, penchées vers la gauche, aident l’œil à rester sur la composition, à aller lire le texte, et apporte de la légèreté. Le cadrage permet d’accentuer encore la légèreté et de donner de l’espace au regard, comme pour suivre celui de la jeune femme, et essayer de voir au-dessus des graminées.
L’environnement de la prise de vue offre des couleurs naturelles et neutres. Un ciel d’automne clair, presque blanc, et la couleur brun clair parfois orangée du pré, créent une palette colorée rassurante. On retrouve la couleur des tiges dans la chevelure du personnage. C’est sa tenue qui apporte de la couleur avec un contraste à la fois de quantité et de couleur en soi. Elle porte une chemise à carreaux rouge et blanche et une écharpe bleu roi. Ces trois couleurs sont basiquement celles de la passion, de la pureté et de la confiance mais dans ce contexte elles font échos au slogan de la publicité « Truly organic, terribly french » et donc aux couleurs de la France.
En ce qui concerne la typographie, le texte est écrit en noir uniquement avec des majuscules dans des tailles globalement petites pour laisser toute la place à l’image et ne pas dénaturer la photographie par des éléments artificiels. C’est une typographie sans empattement, moderne et neutre, de la classe des Linéales de type humaniste. Cette catégorie est utilisée ici pour sa simplicité et son efficacité, elle est tendance et stylée. La graisse du mot « Parfums », permet d’alourdir le mot pour qu’il soit bien vu et pallier au manque d’évidence du produit présenté. L’approche large des caractères permet de bien distinguer chaque lettre malgré leur petite taille, elle fait écho à celle du nom de la marque écrite avec une graisse beaucoup plus fine et légère.
Malgré la présence de texte à lire en haut à gauche ce sont le personnage et plus particulièrement les couleurs de sa tenue qui capture l’attention. L’ensemble donne une impression de sérénité, de silence, de calme. Grâce au slogan on comprend rapidement que cette ambiance sert l’aspect écologique du produit et que la jeune femme porte les couleurs de la France en référence à l’origine française de la marque.
Les deux symboles principaux sont donc la représentation de la France par la tenue du personnage et la suggestion du biologique et écologique via la prise de vue dans un pré. On retient donc que le parfum est français, 100% naturel et probablement haut de gamme. Les nombreux signes de légèreté permettent de supposer que le parfum est léger.
Ce parfum invite à prendre une bouffée d’air frais et pur. Honoré des Pré s’adresse à un public de gens qui aiment les choses simples, sont sensibles à l’écologie et vise plus précisément les urbains en manque de nature.
Comparatif
La beauté et le luxe ont souvent une place centrale dans l’univers publicitaire de la parfumerie et peuvent rendre toutes les compositions pour du parfum assez semblables. J’ai donc choisi ces publicités parce qu’elles me semblaient différentes des clichés habituel dès le premier coup d’œil : Insolence est très épurée, Scarlett très rose et Honoré des prés sans flacon est en décalage. On s’aperçoit avec les analyses que chacune referme bien une histoire propre allant au-delà de la femme jeune et belle et que ce sont ces histoires qui doivent parler au spectateur pour que la publicité fonctionne et qu’il devienne client.
Il n’y a donc que peu de points communs entre les trois publicités. Néanmoins, elles sont toutes des photographies qui représentent une femme, avec les cheveux lâchés.
Insolence et Scarlett n’ont pas d’arrière-plan, montre un flacon et les deux femmes nous regardent directement alors que Honoré des prés présente une femme dans la nature qui ne communique pas directement avec le public car elle regarde ce qui l’environne. De plus, comme souligné précédemment, la composition ne montre pas de flacon probablement pour ne pas altérer l’aspect 100% naturel de la composition vantant un parfum bio.
Insolence, sans slogan, se sert d’une célébrité, du nom de sa marque et de la nudité d’une femme légèrement vêtue, les jambes entièrement nues. La sensualité et la beauté de l’actrice servent à séduire alors que Scarlett et Honoré des prés ont un slogan et un nom de marque peu mis en valeur dans leurs compositions. Elles utilisent un top model qu’elles ne cadrent pas en entier : la première porte une robe blanche très féminine qui lui confère une beauté pudique, presque enfantine et la seconde porte une chemise à carreaux très campagnarde, sa beauté est simple et ne se lit que sur son joli visage.
Insolence et Honoré des prés sont toutes deux au format italien, nécessaire au premier pour le sentiment de calme lié à la confiance en soi, et au second pour la plénitude offerte par la nature. Scarlett, pour sa part, se sert de la verticalité pour donner plus de dynamisme et de force au personnage.
Tous ces points divergents créent trois univers très différents, destinés à des publics différents. Insolence est spontané et intimiste et séduira aussi bien les femmes que les hommes. Scarlett, charmant et intriguant, fonctionnera bien pour les adolescentes, peut-être comme un premier parfum de grande marque. Honoré des prés quant à lui est authentique et sa composition est non conventionnelle pour du parfum, au premier regard il peut être pris pour une publicité de prêt à porter et plaira à des femmes et des hommes aimant les choses vraies, simples et concrètes. La composition plus naturelle et sobre de ce dernier laissera un souvenir moins percutant que les deux autres.
Bien qu’Honoré des prés soit le seul à viser un public mixte, les trois compositions présentent toutes des femmes qui attirent l’œil des hommes autant, voire plus, que celui des femmes car il faut que le public féminin s’identifie à la femme mise en scène mais également que l’homme y voit son genre de femme. Ainsi l’univers d’Honoré des prés et celui de Guerlain sont plus susceptibles de séduire un homme que Cacharel, ce dernier visant avec Scarlett la très jeune fille pas encore tout à fait femme.
Pour finir soulignons l’importance de la star, Hilary Swank, qui attirera l’attention des gens la reconnaissant et encore plus de ceux qui l’ont aimé dans « One Million Dollar Baby ». Les célébrités utilisées dans les publicités incarnent des rêves ou des valeurs qui permettent de doper les ventes d’un produit.